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Vendredi 5 juillet, 10h00 - 13h00, Cinéma Grand Action
Hommage à Jocelyne Saab (1948-2019), un regard engagé sur le monde arabe
coordonné par Corinne Fortier (anthropologue au CNRS-LAS, réalisatrice)
« Ce qui fait la spécificité de mon parcours est que j’ai toujours voulu rester cohérente (…)
en montrant et en analysant ce Proche-Orient en pleine mutation qui me passionnait »
Jocelyne Saab est une cinéaste libanaise née à Beyrouth en 1948 dont les films constituent un témoignage historique précieux de l’histoire « tourmentée » — pour reprendre ses propres termes — du monde arabe de ces cinquante dernières années. Destin peu commun pour une femme à l’époque, elle devient en 1973 reporter de guerre au Moyen-Orient, documentant le conflit israélo-palestinien et la guerre au Liban dans plusieurs de ses films dont, en 1975, Le Liban dans la Tourmente. L’intérêt de Jocelyne Saab pour les peuples en lutte l’amènera au Sahara Occidental où elle réalisera en 1977 Le Sahara n’est pas à vendre qui sera projeté à cette occasion, puis en Iran où elle filmera en 1981 les débuts de l’après révolution dans Iran, L’Utopie en marche. Après la fin de la guerre au Liban, elle contribuera en 1992 à la reconstitution de la Cinémathèque libanaise, engagement pour lequel elle sera décorée de l’Ordre des Chevaliers des Arts et des Lettres.
Elle produira une trentaine de documentaires ainsi que des fictions dont Dunia, tournée en Égypte en 2005 sur le thème du corps féminin, thématique qu’elle reprendra en 2013 suite à la commande du Musée des Civilisations Euro-Méditerranéennes d’une série de documentaires intitulés Café du genre dont deux d’entre eux seront présentés ici. Nous projetterons également sa dernière production artistique de 2016, One dollar a day, qui, en observant le quotidien d’un camp de réfugiés syriens au Liban témoigne une fois encore des désastres humains créés par les conflits successifs dans le monde arabe et de la résilience des populations qui en sont victimes. Jusqu’à la fin de sa vie, le 7 janvier 2019 à Paris, Jocelyne Saab travailla avec courage à la réalisation de films qui rendent compte des combats des peuples à disposer de leur territoire et des individus de leur corps, sujets qui seront abordés lors de cet hommage à partir de la projection de quatre de ses films.
Présentation des films et discussion :
Corinne Fortier (anthropologue au CNRS-LAS et réalisatrice) et Mathilde Rouxel (doctorante à l’Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle en études cinématographiques et fondatrice de l’association des amis de Jocelyne Saab pour la restauration et la préservation de son patrimoine)
Le Sahara n’est pas à vendre, Documentaire, 1977, couleur, France / Maroc / Algérie, 16 mm, 75 min, production : Jocelyne Saab.
Au cœur du Sahara, Jocelyne Saab filme la vie, la lutte, et la résistance des Sahraouis dans leur mouvement d’indépendance. Elle dira à propos de ce film : « Je n’ai pas cherché à adhérer à la thèse des Algériens ou des Marocains sur le Sahara Occidental. Le plus drôle ou le plus étonnant, c’est que les deux pays ont indirectement participé au financement du documentaire… Au fond, je me sentais avant tout favorable aux Sahraouis, les habitants du désert, d’ailleurs j’ai toujours été fascinée par le désert, c’est pour eux que j’ai fait le film, et pas pour le compte de tel ou tel État » (Documenter et conter les tourments du monde, Conversations d’Olivier Hadouchi avec Jocelyne Saab).
Café du Genre I : Table du Fou Vert, entretien avec le chorégraphe Walid Aouni au Caire, 2013, numérique, 6 min, produit par le MUCEM (Musée des Civilisations Euro-Méditerranéennes).
Jocelyne Saab témoigne du travail artistique de Walid Aouni, chorégraphe libanais, formé par Maurice Béjart, qui créa en 1993 au sein des Ballets de l’Opéra du Caire la première troupe de danse contemporaine en Égypte, l’Egyptian Modern Dance Theatre Company, ce jusqu’à la révolution égyptienne. Les spectacles engagés et colorés de Walid Aouni que Jocelyne Saab nous donne à voir dans ce film traitent du statut des femmes et du voile en Égypte.
Café du Genre V : Table de la danse et de l’orgueil, entretien avec le danseur Alexandre Paulikevitch à Beyrouth, 2013, numérique, 4 min, produit par le MUCEM (Musée des Civilisations Euro-Méditerranéennes).
Jocelyne Saab filme le chorégraphe libanais Alexandre Paulikevitch dans la préparation et la réalisation de ses spectacles de danse « baladi », genre traditionnellement réservé aux femmes, ce qui conduit à s’interroger sur les possibles transgressions de genre dans les sociétés arabes. La réalisatrice le suit également dans une manifestation de rue qui dénonce les violences dont sont objet les femmes et les personnes LGBTQI, violences de genre au Liban ou en Égypte qui sont au cœur même de ses spectacles.
One dollar a day (Un dollar par jour), Vidéo d’art, 2016, Liban, numérique, 6 min.
Dans le dernier film que Jocelyne Saab a réalisé — un ultime film restera inachevé —, elle choisit de filmer un camp de réfugiés syriens dans la plaine de la Bekaa au Liban. À la différence de ses précédents films, celui-ci ne repose sur aucune parole, ni celle des personnes filmées, ni celle de la réalisatrice mais sur les images des gestes quotidiens des femmes et des enfants habitant ce camp. Ces femmes ne parlent pas mais brandissent un papier de l’UNHCR (Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations unies) témoignant qu’elles ont droit à un dollar par jour par femme et enfant pour vivre, somme dérisoire qu’elles ne perçoivent pas toujours en réalité, et qui donne le titre au film. Ce dénuement contraste avec les images publicitaires de bijoux et de sacs de luxe présentes au sein même du camp et nous interroge : comment vivre avec un dollar par jour ?
15h00 - 17h00
Cartes, la fabrique du monde
Cette séance de projection permettra d’aborder un ensemble de documentaires interrogeant l’usage de la cartographie dans la diffusion du savoir historique auprès d’un large public.
15h00 - L’empire mongol : une histoire par les cartes
Une série écrite par Marie Favereau Doumenjou (Oxford University, chercheure associée UMR Orient & Méditerranée), conçue et réalisée par Sylvie Denoix (CNRS, Orient & Méditerranée), cartes d’Hélène Renel et animation graphique William Henckel. Production CNRS UMR Orient & Méditerranée / Islam médiéval. Post-production Imaginaction.
2019 - 30 min
Le mouvement impérialiste initié par Gengis Khan mena les Mongols à la conquête progressive du monde qui les entourait : la Chine, l’Asie centrale, la Russie, l’est de l’Europe, l’Iran, l’Irak, l’Azerbaïdjan et l’Anatolie. L’interaction croissante avec les nombreuses communautés sédentaires intégrées à l’empire transforma la conception et l’exercice du pouvoir des Mongols, de même qu’elle contribua à changer en profondeur les sociétés conquises. Cet ensemble de cinq films courts, à vocation didactique, raconte l’histoire à multiples facettes de l’expansion mongole qui influença de manière décisive les mondes de l’Islam oriental. La série est construite autour d’une cartographie dynamique, réalisée à partir de cartes originales préparée dans le cadre du programme d’Atlas historique de l’Islam médiéval de l’UMR Orient et Méditerranée.
Projection suivie d’un débat avec Marie Favereau-Doumenjou et Sylvie Denoix (CNRS, Orient & Méditerranée)
16h00 - La fabrique de l’océan Indien
Un film écrit par Céline Ferlita (CNRS, Cultures, Langues, Textes) et Emmanuelle Vagnon (CNRS, LAMOP), réalisé par Céline Ferlita.
Produit par l’unité Cultures, Langues, Textes (CNRS), avec le soutien de l’UMR Orient & Méditerranée et du Laboratoire de Médiévistique occidentale de Paris, en coproduction avec CNRS Images
2018 - 40 min
L’océan Indien est-il une invention cartographique ? Partant des témoignages les plus anciens de l’Antiquité, ce film documentaire propose un parcours parmi les cartes latines, arabes, portugaises, italiennes ou turques du Moyen Âge jusqu’au XVIIe siècle pour comprendre comment le matériau cartographique a contribué à donner à cet espace un sens et une cohérence. Ce documentaire a été réalisé d’après le livre La fabrique de l’océan Indien (dir. E. Vagnon et E. Vallet, Publications de la Sorbonne, 2017), lui-même issu du programme ANR MEDIAN (Les sociétés méditerranéennes et l’océan Indien).
Projection suivie d’un débat avec Céline Ferlita (CNRS, Cultures, Langues, Textes).
17h30 - 19h00
Voices From Kasserine أصوات من القصرين
Documentaire de Michel Tabet et Olfa Lamloum
Production : International Alert
2017 - 53 min
Tunisie, six ans après la chute de ben Ali, nous parcourons le gouvernorat de Kasserine l’un des fiefs de la révolution de janvier 2011, pour recueillir la parole des habitants de cette région frontalière de l’Algérie.
Paysans et paysannes, jeunes diplômés chômeurs, enfants, jeunes vivant de la contrebande, artistes et militant(e)s de la société civile racontent Kasserine. Ils évoquent leurs conditions de vie, leur sentiment de dépossession, leurs attentes, leurs rêves et leurs résistances.
Construit autour de portraits d’individus et de paysages, le film fonctionne comme une plateforme d’échange et de discussion autour des questions de marginalisation et de relégation. Il interroge plus largement le modèle tunisien de la transition démocratique depuis les régions de l’intérieur où la question sociale et le devoir de mémoire demeurent d’actualité.
Projection suivie d’un débat avec Michel Tabet, anthropologue cinéaste et Olfa Lamloum, politologue et directrice du bureau d’International Alert en Tunisie